LE DOCTEUR LUDOVIC BLAIZOT

Il y a à L’Aigle une rue du docteur Blaizot, et un quartier Blaizot . Les Aiglons d’un certain âge ont connu, ou ont entendu parler, du docteur Ludovic Blaizot et du Laboratoire Bactériologique de L’Aigle.

Mais, pour les jeunes Aiglons ou les nouveaux Aiglons, qui était le docteur Blaizot ?

Le Docteur Ludovic Blaizot fut médecin, biologiste, chercheur à l’Institut Pasteur, puis fondateur en 1928 du Laboratoire Bactériologique de L’Aigle consacré à la recherche et à la fabrication de vaccins et sérums vétérinaires. Ce Laboratoire était situé au carrefour de la route de Vitrai et de l’avenue du Perche.

Ludovic Blaizot n’était pas originaire de L’Aigle mais il avait choisi cette ville agréable, située à une distance raisonnable de Paris, possédant une gare avec une ligne directe pour la capitale. Il pouvait ainsi commercialiser les produits de son Laboratoire avec l’U.V.A. (Union des Vétérinaires Agricoles), située à Paris, et fondée par son frère Pierre Blaizot.

Quel fut son parcours ?

Ludovic Blaizot était né à Domfront le 3 mars 1882 où son père était établi comme pharmacien.

La famille s’était agrandie avec la naissance de son frère Pierre Blaizot en 1884, puis celle de sa soeur Lucie Blaizot en 1886. Leur mère souffrant de tuberculose décèda quelques années plus tard.

Ludovic Blaizot fut un brillant élève du collège de Domfront. Il obtint une distinction au Concours général des Lycées et Collèges de France et fut reçu bachelier avec mention « philosophie » à 17ans.

Il commença ses études de médecine à Caen, puis, devenu orphelin, il les acheva à Paris où résidait son tuteur. Il passa des certificats de Sciences Naturelles à la Sorbonne.

De 1906 à 1910 , il fut préparateur au laboratoire de Parasitologie de la Faculté de Médecine de Paris sous la direction d’Emile Brumpt et soutint avec succès sa thèse de Biologie au sujet surprenant : « Modification des tissus de l’utérus gravide des chiens de mer».

En 1910 il fut chargé d’une mission de recherche à l’Institut Pasteur de Tunis sous l’égide du grand biologiste Charles Nicolle originaire de Rouen. (Prix Nobel 1928)

 Ludovic Blaizot à Tunis

Ludovic Blaizot à Tunis

Charles Nicolle et Ludovic Blaizot à Tunis

Charles Nicolle et Ludovic Blaizot à Tunis

Les Instituts Pasteur à l’étranger avaient pour mission d’étudier les maladies particulières d’un pays, d’élaborer des vaccins et des sérums, et de soigner les Les Instituts Pasteur à l’étranger avaient pour mission d’étudier les maladies particulières d’un pays, d’élaborer des vaccins et des sérums, et de soigner les

autochtones.

A l’Institut Pasteur de Tunis Ludovic Blaizot apporta à l’équipe tunisienne son jeune enthousiasme, son désir d’étudier la parasitologie locale et sa connaissance des techniques nouvelles notamment celle du microscope à fond noir.

Il aborda, en parasitologue, l’étude des spirochètes des poules : Il nota que la spirochètose des poules de race nord-africaine évolue avec des rechutes à la manière des fièvres récurrentes humaines. Il montra la façon dont ces fièvres récurrentes humaines sont transmises par des poux infectés par des spirochètes et il reçut, pour ces travaux, un Prix de l’Académie des Sciences de Paris. Toujours avec l’équipe de l’Institut Pasteur de Tunis, dirigée par Charles Nicolle, ils firent des recherches sur la lèpre, le virus du trachome, et la préparation d’un sérum et son application au traitement du typhus humain .

Le docteur Ludovic Blaizot à l’Institut Pasteur de Tunis

Le docteur Ludovic Blaizot à l’Institut Pasteur de Tunis

Pendant la guerre de 1914-1918 il fut mobilisé comme médecin aide-major sur le front français, au 4ème régiment de tirailleurs. Ensuite il fut chargé de préparer, à l’Institut Pasteur de Paris, le sérum contre le typhus exanthématique destiné aux troupes d’Orient et à l’armée roumaine.

De retour en Tunisie, il participa activement à la mise au point de vaccins stables et atoxiques pour le traitement de la blennoragie, des staphylococcies et de la coqueluche.

En 1921 il effectua une mission d’enquête épidémiologique et de vaccination de la population dans le Sud-Tunisien où sévissait la peste.

Le docteur Ludovic Blaizot vaccinant un Tunisien

Le docteur Ludovic Blaizot vaccinant un Tunisien

Enfin, il fait œuvre de précurseur en signalant que les bactéries traitées par le formol perdent leur toxicité tout en conservant leur pouvoir antigénique.

L’Institut Pasteur de Tunis lui doit beaucoup pour l’organisation et le perfectionnement technique des services d’analyses microbiologiques et sérologiques.

C’est aussi à Tunis qu’il rencontra Gabrielle Levillain. Cette jeune femme (veuve) travaillait comme secrétaire de Charles Nicolle à l’Institut Pasteur.

Ludovic Blaizot est resté à l’Institut Pasteur de Tunis, en tant que chef de laboratoire, jusqu’en 1922.

Toute son œuvre à l’Institut Pasteur nous montre que Ludovic Blaizot était avant tout un chercheur passionné dans les domaines de parasitologie , de microbiologie et de physiologie.

Rentré en France, il s’écarta des Laboratoires de Recherches de l’Institut Pasteur, car il envisageait de produire des vaccins et des sérums pour les animaux d’élevage. En effet, les conditions d’élevage et d’hygiène des animaux avaient changé après la guerre de 14-18.

Ludovic Blaizot prévoyait que les animaux devraient être vaccinés, ou soignés par des sérums. Il pensa donc créer un Laboratoire de bactériologie et s’associer avec son frère Pierre, vétérinaire, pour la vente des produits.

En 1922 il s’installa à L’Aigle, tout d’abord rue Porte-Rabel, où il loua une petite maison et un champ pour une vache. Ses caisses de verrerie lui servant de meubles….

Gabrielle Levillain le rejoignit en France, et ils se marièrent quelques années plus tard.

Très vite sa production de sérums et de vaccins fut appréciée par les vétérinaires.. Ses vaccins concernaient les ovins, les bovins, les équidés, les porcins, les volailles, et étaient indispensables aux éleveurs. C’est par l’intermédiaire de L’U.V.A. (Union des Vétérinaires Agricoles), créée par son frère Pierre à Paris, qu’il les commercialisa.

En 1926 il fit construire le Laboratoire de Bactériologie de L’Aigle, beau bâtiment dans le style normand.

Laboratoire Bactériologique de L’Aigle (Avenue du Perche)

Laboratoire Bactériologique de L’Aigle (Avenue du Perche)

Ce Laboratoire, très moderne pour l’époque, employait vingt-cinq laborantines et la Société Blaizot comptait plus de trente personnes avec les exploitations agricoles.

Monsieur René Loiseleur était préparateur au Laboratoire et précieux collaborateur de Ludovic Blaizot.

Madame Denise Chalopin était la secrétaire du Laboratoire.

Les sérums et les vaccins nouveaux se succèdèrent…. avec des noms se terminant en « or » :

Cytor ; Gamor ; Trégor ; Alvor ; Nator ; Dogor ; Typhor ; Susor etc… (voir annexe)

Pour les réaliser il fallait des animaux : avec son frère Pierre Blaizot ils créèrent la Société Blaizot  et firent construire des étables et des écuries modernes toujours dans le style normand du pays d’Ouche : fenêtres à petits carreaux dans les étables !

Ils furent aidés et secondés par Pierre Levillain, frère de Gabrielle, qui devint régisseur du domaine de la Chaise (propriété située à Saint Antonin du Sommaire).

Ludovic Blaizot  faisant un prélèvement sur un bovin.

Ludovic Blaizot faisant un prélèvement sur un bovin.

Quelques années plus tard son fils, Robert Levillain, prit en charge l’ensemble des fermes de la Société Blaizot.

Ludovic Blaizot allait lui-même faire les prélèvements sur les animaux. Il portait toujours, des bottes et un chapeau, et se rendait au Buat, à la Viette ou à la Fonte lieux où se trouvaient les animaux.

Son frère Pierre Blaizot avait acheté la Viette, propriété située sur la route de Crulai, comprenant une ferme. Ludovic et Pierre avaient fait construire une nouvelle étable et une nouvelle écurie très soignées dans le style normand du Pays d’Ouche. Les conditions d’élevage et d’hygiène des animaux étant primordiales pour les productions de vaccins et de sérums.

Pendant cette période il fit des recherches sur le piétin du mouton avec son frère Pierre, et publia une revue sur les possibilités de vaccinations par voie buccale.

Parallèlement il suivait des cours de microbiologie à l’Institut Pasteur de Paris et se tenait au courant de tout ce qui s’imprimait en bactériologie dans le monde.

Ludovic Blaizot était très attaché à sa soeur Lucie Blaizot. Elle avait épousé, en secondes noces, le Docteur Georges Blanc, directeur de l’Institut-Pasteur de Casablanca, et meilleur ami de Ludovic. Leur amitié datait de l’époque où ils travaillaient tous deux à l’Institut Pasteur de Tunis. Lucie Blaizot et Georges Blanc avaient acheté une longère (La Pommeraie) à Saint-Ouen-sur-Iton.

Jeanne Raynaud, fille de Lucie Blaizot, était, elle aussi, biologiste à l’Institut Pasteur de Paris et de ce fait proche de Ludovic Blaizot, ils échangeaient leurs points de vue scientifiques.

Nous, les enfants de Jeanne Raynaud, étions toujours très bien reçus à Serlande (grande demeure située derrière le Laboratoire) par notre grand-oncle Ludovic et par Gabrielle. Nous y retrouvions notre cousine Eliane Chantepie, petite-nièce de Gabrielle, et aussi nos cousins et cousines, petits-enfants de Pierre Blaizot.

groupe

1er rang :  Mme Pierre Blaizot, Ludovic Blaizot, Mme Ludovic Blaizot (née Gabrielle Levillain)

2ème rang : Pierre Blaizot, Georges Blanc, Monsieur  ?, Docteur Le Bailly de Caen

 

Ludovic Blaizot ne limita pas ses activités au seul Laboratoire, il était aussi médecin et il s’intéressait particulièrement aux soins à apporter aux malades de la tuberculose.

C’est à lui que l’on doit la création du dispensaire anti-tuberculeux d’hygiène sociale où il assurait des consultations une fois par semaine. Mademoiselle Jeanne Bré fut sa collaboratrice et la première assistante sociale de L’Aigle.

Au cours de sa vie il n’oubliera jamais sa ville natale de Domfront et son collège. Il deviendra président des Anciens Elèves du Collège et Grand Donateur. Il se rendra régulièrement à Domfront et assistera à toutes les réunions.

Le Docteur Ludovic Blaizot décéda en 1954 à L’Aigle dans sa belle demeure de « Serlande » (sérums land).

Lors de son enterrement, Mme la Comtesse Le Marois (Présidente de l’Association antituberculeuse de l’Orne) apporta ce témoignage :

« Quand en 1924 a été fondé le Dispensaire de L’Aigle, c’est le Docteur Blaizot qui en a été le principal artisan. Comment pourrait-on oublier le dévouement qu’il y a consacré pendant plus de 25 ans.

Soutien bénévole, non seulement il assurait les consultations tous les mardis, mais il faisait faire toutes les analyses à son Laboratoire. Les malades profitaient de sa compétence et de son aimable accueil.

Quand a été construit le nouveau dispensaire, rue du Docteur Rouyer, il a travaillé au plan, veillé à l’aménagement.

Je suis certaine que les habitants de L’Aigle garderont, comme moi, le souvenir de cet homme de bien qui joignait à toutes les qualités de l’intelligence celles du cœur.

Puisque l’occasion m’en est donnée, je voudrais à ce témoignage en faveur du Docteur Blaizot, joindre un mot de reconnaissance pour Mademoiselle Bré, qui a été sa fidèle auxiliaire. »

Et Monsieur M.P. Nicolle dira :

« Cette notice serait incomplète sans un portrait rapide de l’homme lui-même :

C’était une personnalité pittoresque. Avec sa bonne figure, son accent du terroir, son esprit, son obligeance, sa bonté, il inspirait la sympathie et l’affection. »

institut-pasteur-a-tunis

Lucie CUVILLIER

(petite-nièce du Docteur Ludovic Blaizot) Trésorière de l’Association des Amis de l’Aigle

Avec mes remerciement à :

  • Monsieur Daniel DEMELIER (Service des Archives de l’Institut Pasteur de Paris).

  • Eliane CHANTEPIE (Petite-nièce de Gabrielle Levillain).

Annexe

Liste des produits vétérinaires du Laboratoire du docteur Blaizot :

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